lundi 25 juillet 2016

En juillet, lis ce qu'il te plaît

Bonjour à tous, 
Comme pas mal d'entre vous me l'ont demandé, voici un petit billet sur les lectures ( lues et approuvées ) que j' avais emmenées lors de notre séjour en Albanie. 
Rassurez-vous, je ne dévore pas autant hors vacances scolaires mais vu que nous étions coupé du monde et du wifi, cela m'a permis de sérieusement attaquer ma Pile à lire.


  • Pour débuter, j' ai vraiment littéralement fondu pour cette trilogie éditée chez mon chouchou Acte Sud,séries noires . Il s'agit de l'oeuvre d' Eric Axel Sund : Les visages de Victoria Bergman.

Cela faisait un moment que le tome 1 me faisait de l’œil. La plume m' a aussitôt séduite. Deux auteurs masculins qui mettent en scène deux personnages féminins complexes et envoûtants.
Jeannette Kilhberg, inspecteure en chef mène l'enquête sur la découverte d'un jeune garçon au corps momifié. Elle sera aidée par la psychothérapeute Sofia Zetterlund qui a déjà beaucoup à faire pour suivre deux patients atteints de troubles de la personnalité multiples : Samuel Bey un réfugié de guerre en Sierra Léone et Victoria Bergmann, jeune femme ayant subit de multiples sévices sexuels depuis son enfance. 
Résultat de recherche d'images pour "persona les visages de victoria bergman"Les deux femmes vont unir leur intelligence pour explorer ensemble les méandres du psychisme humain. La toile qui se tisse peu à peu entre tous les personnages s'opacifie et se complexifie sans jamais perdre pour autant le lecteur. La chute du premier tome m'a réellement scotchée. Impossible de prévoir la suite de l'intrigue. Palpitant et tout en finesse avec une bonne dose de féminisme. Chapeau messieurs.  A vous les petits veinards qui n'avaient pas encore commencé, vous allez vous régaler ! 
Ce duo d' acteur m' a fait penser à la plume de Peter May, très fort lui aussi pour dessiner des personnalités originales et ambiguës à ses personnages. Quel ne fut pas mon plaisir que de découvrir que l'un  était ingénieur du son et l'autre musicien de post punk ! 



Résultat de recherche d'images pour "en finir avec eddy bellegueule"
  • Ma deuxième claque fut le court roman d' Edouard Louis éditions aux éditions du Seuil : En finir avec Eddy Bellegueule. Ce roman m' a été conseillé par mes anciens collègues de Lettres en me disant : Georgette on en a acheté 25 pour nos classes de troisièmes. Tu dois le lire. Bon je n'étais pas franchement convaincue vu le tapage médiatique qu'on en a fait mais je dois bien avouer que j'ai été bluffée.  Eddy Bellegueule s'appelle vraiment Eddy Bellegueule. Il va nous conter sous une forme autobiographique son enfance en Picardie. Eddy est différent : il est maniéré, n'aime pas jouer au foot et préfère de loin se déguiser en petite fille que de s'imaginer les embrasser. Il grandit entouré de ses parents et de sa  fratrie dans une région rurale de Picardie. La dureté de ce qu'il subit quotidiennement est décrite avec une telle  justesse et  précision  que le lecteur (  quel que soit son âge et son milieu social )  se sent concerné. Un scénario de Ken Loach à la française. En plus des crachats et des insultes homophobes dont il est la perpétuelle victime , Eddy nous dresse un portrait familial digne des Thénardiers. Un père alcoolique au chômage, une mère sans aucun filtre social ni once de jugeote, une sœur qui ne pense qu' à le caser avec un bon partie ! Eddy a bien du mal à trouver un sens à sa vie. La faim, le froid, l'insalubrité, le RSA, autant de facteurs qui viennent encourager l'espoir de notre héros du quotidien. Espoir de s'échapper de cette famille au sein de laquelle il faut se taire en mangeant, où la télévision est allumée dans chaque pièce, où réussir à l'école ne remplira pas le godet de pastis (sans eau ni glaçon cela va sans dire!). Une fresque sociale fracassante où chacun pourra retrouver des éléments de sa propre enfance, de son adolescence, de la découverte de son corps et des sexualités mais aussi du sentiment de honte qui peut très certainement nous avoir effleuré concernant le comportement de nos aînés.

    Résultat de recherche d'images pour "le gaffeur jean malaquais"
  • Ma troisième découverte est un bouquin conseillé par vous devinez qui. Il s' agit d'un livre récemment réédité, tombé aux oubliettes et remis sur le devant de la scène littéraire engagée. Il s'agit du Gaffeur de Jean Malaquais. Le gaffeur c'est monsieur tout le monde, vous et moi. Dans une société imaginaire, mais pas tant que ça, à la Orwell, M tout le monde ne réussit plus à introduire la clé dans la serrure de la porte d'entrée de son appartement. Perte de logement ? Perte d'identité ? Comment survivre lorsque l'on perd tout ? une fiancée qui disparaît, une augmentation qui vous fait perdre votre travail ?  Dans l'univers de Malaquais, c'est l'ensemble de la politique au sens noble d 'organisation de la cité qui est remise en cause. Ce roman est un OLNI : objet littéraire non identifié. Riche de Lewis Carroll, Kafka, et bien sûr Georges Orwell, le Gaffeur bouleverse par sa modernité. La délation est le mal de toutes les nations, mêmes dans une uchronie. Un auteur à découvrir. En plus, petite subtilité, les pages sont imprimées en vert ! Coïncidence ? je ne crois pas ! 



    Damnés par Palahniuk
  • Le délicieux Chuck Palahniuck nous plonge dans un univers subversif totalement déjanté comme à son habitude avec son petit roman : Damné Madison, 13 ans est morte. Elle nous raconte comment elle se retrouve en Enfers. Entre mythologies et critique de nos modes de consommation, Chuck est vraiment doué pour mettre le doigt sur nos angoisses les plus élémentaires : le deuil, la perte d'autonomie, la mort, la vieillesse. Tout est à la fois très léger et très sombre. J' ai particulièrement apprécié la description des parents de Madi, hippies multi-milliardaires, mangeant des muffins à la farine de quinoa, se trimbalant nus sous la climatisation, bourrés de coke avant de faire un discours humanitaire. Et cet enfer ! quel bonheur : imaginez un peu. Madi, accompagnée de ces acolytes (morts et anonymes ), va devoir se faire une place en enfer. Elle va découvrir à ses dépens le lac de sperme oublié et les montagnes d'ongles coupés. Heureusement Mady va trouver un travail en Enfer. Un qui dépeint bien le monde dans lequel on vit. Je vous laisse découvrir lequel. 










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  • Un petit dernier pour la route : Les jolies choses de Despentes. Un roman truculent, acide, noir, et terriblement enivrant. Vivi comme à son habitude nous dresse des portraits en perdition. Une vision intègre et sans jugement. Deux sœurs jumelles que tout oppose vont se retrouver le temps d'un concert foireux à Paname. Leurs existences s' en trouveront à jamais bouleversées non pas pour le meilleur mais bien pour le pire ! 











  • Cette fois c'est vraiment fini avec ces  deux petits flop , deux déceptions en matière de polar. 
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lundi 4 juillet 2016

Le bonheur est dans l Abbaye d’Auberive !

Connaissez - vous ce poème de Prévert ? 
Le bonheur est dans le pré cours-y vite cours-y vite ! 
Le bonheur est dans le pré cours-y vite il va filer ! 

Et bien pour moi c'est exactement la même chose avec La Halle St Pierre.
Cours-y vite jusqu' au 26 Août pour découvrir cette stupéfiante expo qui n' a aucun fil conducteur, si ce n 'est des coups de cœur et de corps du collectionneur Jean-Claude Volot dans l' Abbaye d'Auberive. Art naïf, populaire, expérimental, très souvent torturé au plus profond des méandres de l'humanité.
Pour ceux qui savent à quel point il est difficile pour moi de sauter une sieste, il est encore plus difficile d'écrire un billet exhaustif sur cette réunion d’œuvres d'art totalement insolite et inclassable. 
Comme d'habitude, ce qui est le plus évident selon moi, c'est une présentation intuitive des œuvres. 
Il y a de grands noms d' artistes que vous reconnaîtrez sans doute.
Voici celles et ceux qui ont particulièrement retenu mon attention.


  • Roger-Edgar Gillet ; une soirée chez Pollack, 1968


photo FG0230_La_Fete_chez_PollakOn retrouve ici les ingrédients des folles soirée parisiennes, sûrement à Pigalle. De la dentelle, des visages émaciés par la faim et les ravages de l'alcool. De  gros aplats de couleurs = viennent brouiller les pistes d'une interprétation limpide, tel un miroir grossissant dans une attraction de fête foraine. Les sourires sont grimaçants et les moues que l'on devine sont inquiétantes. Cela rappelle une fine couche de vernis qui s'écaille petit à petit les soirs de grandes fêtes pour plonger l'homme dans une profonde noirceur.



  • Jean Rustin; quatre pensionnaires, 2003


Là encore, une oeuvre figurative d'une profonde noirceur. Il est difficile de ne pas détourner le regard ; difficile également d'affronter ces visages déformés par la souffrance, qui n' est pas sans rappeler les camps de concentration. 
Les yeux globuleux, la peau olivâtre et les uniformes kakis offrent aux visiteurs un cocktail à la fois déplaisant et fascinant. Bon nombre d' entre eux dévient leur itinéraire pour ne pas avoir à plonger le regard dans cet univers dérangeant. 




  • Les planches dessinées de Hans Bellmer
Pour appréhender au mieux, l'oeuvre de Bellmer je vous conseille vivement la lecture de sombre printemps, Unica Zurn. Tout est dans le titre.....
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  • La dame blanche, bronze, Lydie Arycks, 2011

Auberive (52) : Abbaye, Lydie Arickx (La dame blanche):

Une oeuvre dérangeante par son échelle réaliste et la monstruosité des proportions qui se dégagent. La peau grumeleuse contraste avec la luminosité du bronze utilisé. Cette couleur verdâtre ne fait qu'accentuer le malaise : être humain ou imaginaire  tout droit d'un cauchemard ? Allez faire un petit tour derrière la statue. La colonne verticale est creusée, et là ! on découvre les prémices d'une vulve ! 










  • Brève escale des foudres, Ody Saban    "J’ai souvent représenté des femmes comme images de libérations se frayant un passage au milieu des obstacles les plus terribles. Ainsi dans « Brève escale des foudres ».      
J’ai peint ce tableau au retour d’une longue visite dans le grand camp de concentration de Breedonck près de Malines avec mon compagnon Thomas qui est un poète intellectuel tsigane dont une partie importante de la famille a été massacrée pendant le génocide, avec notre fille Eden qui avait dix ans et que cette visite a au moins autant intéressée que nous, et avec une trentaine de militants antifascistes"



Des œuvres militantes mises en beauté par une impressionnante muséographie, dans un lieu feutré et mystique.
à aller voir et revoir de toute urgence. En cadeau la revue de presse !