Les sept planches de la ruse , mis en scène par Aurélien Bory.
Dans mon esprit étriqué et sûrement trop formaté par les études littéraires, avec un nom pareil, je m' attendais à une pièce de Tchekhov, une pièce slave avec des violons et des miettes de kouglof qui viendraient se loger dans nos joues rougies par le thé !
Une semaine après les attentats, je suis encore plus heureuse à l' idée de me rendre au 104. Ce soir - là je ne reconnais pas le quartier, moi qui traverse la rue Riquet tous les jours pour aller travailler. Une foule compacte se presse devant l' imposante entrée grillagée , un clin d' œil habituel au crâne de Nicky, une lampe torche négligemment plongée dans mon sac et nous voilà en train de patienter dans l' une des deux allées. On s' installe enfin sur des gradins , on rentre le ventre on respire un grand coup et là en levant la tête un immense ciel étoilé surplombe la scène Cet instant là aurait eu toute sa gloire dans un épisode amélie poulain.
Je ne sais toujours pas ce qui m' attend. Le silence complet se fait et pour une fois, même pas une petite vibration d' iphone ne retentit. Le bonheur.
Le son d' un instrument à corde , pur et net à la fois vient chatouiller nos tympans. Une silhouette minuscule éclairée telle une estampe joue sur un énorme bloc en bois. Rien n' est éclairé mis à part ce corps qui ondule et qui soudain disparaît dans ce cube . Au milieu de la scène : on ne voit plus que ça :
Vous pensez à un Tangram ? C'est un jeu de bois vieux comme le monde qui consiste à créer une forme géométrique globale en assemblant des petits morceaux constitutifs.
L' origami serait une sorte de tangram plié.
Et pourtant, en approchant vos mirettes entre les formes géométriques, si vous scrutez attentivement ces petites lignes blanches, vous pourriez presque apercevoir des corps en mouvement.
Voilà le parti pris de la pièce : le corps s' immisce au moindre courant d' air
C'est un exploit musculaire et artistique que nous offrent les artistes de l' opéra de Pékin.
Ils déstructurent à souhait le cube pour en faire tantôt des vagues, tantôt des escaliers.
La musique se modernise, les pas se font plus rythmés, les respirations des 13 artistes plus saccadées. Sûrement un pied de nez au rythme de la vie occidentale : plus ! plus ! toujours plus vite ! toujours plus performant ! toujours plus optimisant.
Ce que j' ai trouvé fantastique c'est que les acteurs sont de vrais modèles d' humanité : grand, petit, replet, rond, fin, vieux, jeune : un vrai échantillonnage de monsieur madame mais avec en prime des heures et des heures d' entraînement.
Tout le long, je n' ai pas arrêté de me dire : on final on finit tous dans une boîte. Ici c'est pareil : les artistes sont partout : dessus, dessous, à cheval, entre, suspendu en équilibre et bien d 'autres.....
Cela m' a fait penser aux boîtes à la fois si simples et si complexes de Donal Judd.

Il y a des moments où le corps ne fait plus qu' un avec ces formes géométriques imposantes. Un clin d' œil à ce cher cheval de Troie, objet de bois d' où fourmille des vies humaines prêtes à se battre.

Pour ne pas finir sur cette vision cauchemardesque, un extrait de la pièce qui sera de nouveau jouée au théâtre de la ville à la saison 2016. Désormais, c'est à vous de jouer !
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