dimanche 13 mai 2018

Senses

Ami-e-s du soleil levant, foncez voir Senses. Prenez un copieux petit déjeuner à base de miso et hareng mariné, munissez-vous de votre serviette éponge et installez-vous confortablement dans un fauteuil défoncé de velours rouge pour vous rendre à une séance matinale dans un MK2 (pour la honteuse somme de 6€90).

 Senses n'est pas un film d'un format ordinaire. Il est découpé comme une série. Vous découvrirez donc Senses 1 & 2 lors de votre première séance (ce qui fait environ 2h30 d'où le nécessaire copieux petit-déj).

Regardez bien les horaires car il passe dans très peu de cinémas (et ne vous pointez pas à 10 h comme moi pour allez voir Sense 3&4 si vous n' avez pas vu les précédents).
Direction Kobé au centre du Japon où nous plongeons dans le quotidien hypnotisant de 4 jeunes Japonaises : Jun, Akari, Fumi et Sakurako. Cela débute par un pique-nique sous la pluie. Les onigiri et les mini-sandwichs sont savourés silencieusement entre deux gorgées de thé fumé. On s'y croirait. Derrière cet instant de bonheur partagé et de complicité, nous découvrons quatre profils très différents mais complémentaires au cœur de cette amitié : indépendante, soumise, timide ou entreprenante, chacune d'entre elles fait preuve de courage et de force pour tenter de s'affirmer face à des hommes , face à une société totalement patriarcale ou tout simplement face à leurs désirs propres plus ou moins facilement avouables. Sans vous dévoiler les différentes intrigues, J'ai tout de même ressenti un certain malaise concernant la place de la femme et ses droits. Comment concilier un désir de liberté et d'épanouissement avec le respect des coutumes traditionnelles encore bien ancrées au Japon ? Peut-on vraiment décider de la vie que l'on souhaite mener (au Japon comme en France d'ailleurs ?).
J'ai beaucoup apprécié les discussions inter-générationelles, mais plus encore les silences plus significatifs que les belles paroles. Loin des clichés, j'ai été surprise de la facilité avec laquelle Jun, Akari, Fumi et Sakurako se parlent. Sans détour, elles s'expriment peu mais de façon significative en prenant le temps de réfléchir aux mots prononcés. Elles organisent un week-end à Arima (petit village montagneux célèbre pour ses onsen : sources naturelles d'eaux chaudes où il est bon de s'y plonger nu) où leur confidences vont vous surprendre.
Des sentiments contradictoires et des équilibres nouveaux à trouver sont filmés avec beaucoup de délicatesse et de tendresse.
Hâte de voir la suite.

jeudi 10 mai 2018

Hommage aux femmes : cinq ans de métro.

Bonjour à tous,
Aujourd'hui je vous promets de faire court mais très intense. Je tiens à rendre hommage au superbe bouquin de Fred Alpi qui vient de paraître aux éditions Libertalia en ce joli mois de mai 2018 : Cinq ans de métro.
toutes les infos en lien ici
Dégustez-le, offrez-le, relisez-le. C'est un petit bijou musical, littéraire qui nous pète un peu au visage quant à sa cruauté sociale.
Vous avez peut être croisé Fred à la Parole Errante, à la Comédia, au CICP bref c'est quelqu'un de bon goût. En plus d'être hyper sympa, de savoir super bien jouer de la musique, de chanter en rythme dans les manifs (croyez-moi c'est loin d' être évident), M Alpi écrit vraiment bien. Son style urbain est naturel, jamais vulgaire et terriblement humain.
Ça va vous paraître peut être surfait mais j'ai décidé lire cinq ans de métro uniquement lorsque j'étais (allez je vous laisse deviner) dans le métro !
17 chapitres pour 17 trajets (souvent la ligne 3 pour moi) où Fred nous raconte son histoire, sans jamais se prendre au sérieux avec beaucoup d'humilité et de sensibilité. Après avoir démissionné d'une boîte de comm ( et de cons ) , Fred décide de descendre dans le métro pour y interpréter les grands classiques de la chanson française afin de pouvoir continuer de payer son loyer rue Tiquetonne. Son récit autobiographique date du début des années 90 mais tout y est encore d'actualité.
La vie qu'il mène dans le métro apparaît comme révélateur du monde aérien qui nous entoure et qui nous asphyxie toutes et tous , surtout à Paris je pense. L'état d'urgence déjà instauré , une présence policière violente omniprésente (pour soit disant sécuriser les réseaux), les fachos en tous genres, la drogue, la prostitution
Beaucoup d' évènements relatés m'ont bouleversée.

Le premier est sans contexte sa rencontre avec Michel. Il a pris la peine de lui serrer la main, d'en apprendre un peu plus sur lui sans jamais mettre le lecteur mal à l' aise et sans condescendance aucune.
Car oui j' ai honte mais je suis déjà sortie d'un wagon pour échapper à la puanteur d'un sdf pour monter dans un autre wagon. Première rencontre déterminante avec Michel p.83 dont voici un court extrait :
«  Moi c'est Michel […..] J'ai l'impression q'les gens y'me voient même pas. Et ça fait longtemps que j'ai pas serré la main de quelqu'un.

- Ils ont peur, ou savent pas quoi dire ; Et puis, ils se parlent pas entre eux non plus, hein. Le métro c'est pas vraiment un endroit où on se fait facilement des copains. ».

La deuxième chose qui m'a énormément plu, c'est la dimension féministe de cette autobiographie.
kombini : vers une sensibilisation ?
Le manspreading, le harcèlement dans le métro ou au travail sont des formes de violences endémiques que nos politicards s'empressent de s'octroyer en créant des ministères en tous genres. Marlène Schiappa va te p***** toi qui intègre un gouvernement qui en ce moment même débat sur l'âge de non consentement en cas de viol (justice en carton bonjour) car non pour ma part il ne devrait jamais y avoir aucune limite d'âge en matière de viol.

Fred explique avec justesse et justice que les hommes sont violents (et l'ont toujours été) avec les femmes. Beaucoup insultent et se frottent aux gambettes des jeunes demoiselles tandis que lorsqu' une jambe poilue les effleurent, ils s'offusquent en prenant un air dégoûté. Fred a déjà arrêté de chanter dans le métro lorsqu'il assiste à ce genre de scène. C'est très loin d' être un exploit partagé, cela devrait être normal selon lui et selon moi.
Il a lui aussi été considéré comme un objet sexuel dans le métro et l'a très mal vécu. Alors qu'un homme lui fait des avances sexuelles insistantes, F.Alpi fait comme toutes les femmes qui se font emmerder dans le métro, Il détourne la tête en espérant que l'individu lui lâche la grappe, cesse de respirer et il regarde ses pieds en espérant que ce trou du fion descende avant lui. Cela fait bizarre de lire cela de la plume d'un homme... car il n'écrit pas cela pour se plaindre de sa condition d'homme malmené à occasion unique, il écrit cela en hommage-témoignage en expliquant qu'il ne sait pas comment les femmes font pour supporter cela quotidiennement et que c'est de son devoir d'agir.
Merci de prendre la mesure de l'enfer que nous vivons chaque jour dans le métro.
Merci d'avoir le courage de s'interposer, de parler de réagir et de ne pas nous laisser dans la m***. Comme dans tous les systèmes patriarcats, ce sont les femmes qui sont touchées en premier par ces violences. 
Grâce à ce bouquin, je ne regarderai plus jamais de la même façon cette vie souterraine à laquelle j'assiste impuissante depuis 10 ans et où je vois défiler toute la misère humaine. Un changement de regard, juste un bonjour un sourire. Et c'est clair que dès que j'entends du Brassens ou du Django dans le métro ou ailleurs je n'hésite pas une seconde à donner une petite pièce. Je ne me leurre pas. Quand je donne deux euros à un migrant ou un marginal, c'est surtout pour soulager ma culpabilité de ne rien faire pour eux.

mercredi 2 mai 2018

Lectures en tous genre du joli mois d'Avril

Bonjour à tous
Pour honorer le retour du dieu soleil (le seul et unique existant que je vénère ) , et rattraper mon retard lunaire dans mes chroniques , je présente ce soir un joyeux bordel dans mes lectures jeunesse polar et même feel good. Ce dernier est un genre souvent dénigré par les supers chroniqueurs du masque mais comme déjà dit précédemment,  ils n' ont qu'à se la mettre bien profondément là où je pense.
Pour débuter un polar coréen emprunté par hasard à la bib : Sept yeux de chats. Cela débute à la manière des 10 petits nègres.  Six personnes tous âges et classes sociales confondus se retrouvent dans un petit chalet isolé de montagne. Le seul lien qui les unit est leur passion pour les grands psychopathes criminels et leur amour pour les polars. C' est bien là le génie de l auteur. Une fois l intrigue installée dans ce huit-clos angoissant , l auteur brouille les pistes. On ne sait plus vraiment qui est mort ? Qui incarne la raison ? Qui a de bonnes raisons de vouloir  réunir ces personnes en apparence communes et banales? . Ce polar est déroutant car chaque chapitre apporte sa dose de logique dans le raisonnement policier mais à la fois sa dose de folie et de cynisme concernant la nature cupide de l' homme avec un grand hache . Un roman malaisant qui flirte avec le genre gore surnaturel et …..horrible à la fois. 
Âme sensible s abstenir !!
Pour faire passer la croquette, deux romans feel-good qui font du bien au moral . J ai découvert Gilles Legardinier et je vous entends déjà râler ! Merci la littérature de gare c est pire que Musso. C est de la pâté pour chihuahua.  Petit un vous n'avez probablement jamais lu Musso ( moi si et c est un auteur qui a le mérite d être proche de ses lecteurs sans se prendre pour un Lacan Deleuze en puissance ). Petit deux la probabilité que vous ayez déjà goûté la nourriture de votre animal imaginaire est quasi nulle alors laissez tomber vos préjugés.  J ai tout bonnement adoré Complètement cramé . Déjà parce que le chat de la couverture nous offre une magnifique transition animale et a une grande importance dans le roman. Legardinier aborde un sujet doux et sensible. La vieillesse solitaire d'un homme d'affaire qui ne s'est jamais remis de la mort de son épouse. Ok jusque là ça peut faire chiant sauf que notre Andrew Blake décide de léguer la direction de son entreprise à sa secrétaire, de mettre un slip et une chemise blanche dans sa valise et de partir incognito au service d'une vielle femme en tant que majordome. Je ne sais pas ce que j’ai préféré entre l humour pince sans rire d’Andrew , les amitiés fragiles qui se nouent entre les membres du personnel ou la réflexion profonde sur le bonheur et le temps qui passe.  Je suis capable de lire les pires romans d angoisse sans ciller mais j'ai écrasé une larme à la fin de Complètement cramé car la relation dépeinte entre le père et sa fille est loin d'être exceptionnelle mais communément partagée par beaucoup d'entre nous.

J’ ai aussi dégusté Le restaurant de l'amour retrouvé d' Ogawa Ito. La plume bien particulière de l auteur nous emmène vers un véritable retour au source, lentement mais pas trop vite!  
 Rinto a tout perdu du jour au lendemain. Son fiancé indien a quitté l appartement en emportant absolument TOUT, même ses précieux ustensiles de cuisine. Heureusement, la jarre à saumure de sa grand-mère est toujours là. Rinco dépense ses derniers Yens pour retourner dans son village d'enfance, perdu dans la montagne. Elle y retrouve sa mère avec qui elle a du mal à communiquer, sans compter que sous le choc de sa rupture Rinco a perdu sa voix ( et promis elle n' a pas de chat dans la gorge). Elle va retaper l'arrière boutique du bar tenu par sa mère pour en faire un restaurant particulier. Je vous laisse savourer, sur fond gastronomique, cette réflexion profonde sur les relations mère-fille qui peuvent aussi finir bien.
Pour clôturer avec les romans, celui que l'on m' a prêté et qui m'est tombé des mains.... : l'amie prodigieuse. C'est bien écris mais c'est franchement trop académique et ça manque de lâcher prise . Je n' ai pas du tout envie de continuer la suite . Je ne comprends vraiment pas pourquoi tout le monde en chie une pendule.

Concernant les Bandes Dessinées, jetez-vous sur les 4 tomes des vieux fourneaux. 
Le tome 1 ( le plus abouti à mon avis ) est excellentissime. Imaginez une bande de retraités anarchistes et 68tards qui se retrouvent pour enterrer un des leurs à la campagne. Leur devise : ni Yeux ni maîtres
  Je n' en dis pas plus mais  c'est drôle, cinglant, rempli d'humour noir tout en étant sensible et doux à la fois.  J' ai aussi lu le premier tintin de toute  ma vie : Tintin au Tibet. Et je me suis dis : ouah qu'est ce que c'est bien écrit. Je compte bien continuer ( sauf celui au Congo ). 

Trois  petits albums qui font du bien  Momo,  Clémence évidence et Verte ( le fameux bouquin de Desplechin adapté ). Des visions enfantines mais matures sur le monde environnant, l'amitié, l'angoisse de la mort. Trois  bouquins à offrir à des grands CE2/1CM1/2 et même des adultes qui ne veulent pas perdre leur âme d'enfant: 

 J' en ai lus d'autres mais pour avoir une chance d'être lue jusqu'au bout, je m'arrête !  
Bonzaï