dimanche 4 octobre 2015

Quand Anna n' aimait pas Tchekhov

la maison des métallos, lieu propice aux rencontres, débats, projections et représentations de toutes sortes, a permis la tenue de cet incroyable spectacle, véritable tranche d' humanité. Les actrices ? que nenni ! Pas d' actrices mais des femmes et quelles femmes. 

Deux ampoules sur cinq ou des destins féminins, féministes et militants hors du commun. Une pièce à la fois mis en scène et interprétée ( en partie ) par Isabelle Lafon.
Billet nocturne qui se place de lui même sous le signe de la Russie,de la Littérature et de thé amer, le tout accompagné de volutes de fumée.
Le contexte historique est lourd : celui des grandes purges Stalinienne. 
écrire pour survivre, pour se sentir vivante lorsque mari et enfant sont déportés pour leur liberté de pensée et d' écrire.  





Je vais tâcher d' être porte parole de cette pièce extraordinaire de  par sa dureté , son humanité et sa brillance. C'  est une retranscription des rencontres quasi quotidiennes entre Lydia Tchoukovskaïa et Anna Akhmatova entre 1938 et les 25 années qui suivront.






DEUX AMPOULES SUR CINQ - D.R.



brève présentation. 
A gauche, Isabelle Lafon incarne est  Anna Akhmatova, cette auteure poétesse née en Ukraine à la fin du XIXème siècle.

Anna écrit, des poèmes, la forme littéraire la plus complexe à produire. En effet, elle consiste à dire le monde avec les mêmes mots que ceux que l' on emploie quotidiennement pour inviter un voisin à venir boire le thé : "le matériau du poète c' est la boue". Anna est interdite de publication à partir de 1922 et est radiée du cercle des auteurs de littérature russe. 
Et la boue est en effet bien présente. La boue, le froid, la neige, la déportation, les rats, la famine, la peur des dénonciations. On a le souffle coupé, les larmes aux yeux, nos frissons sont justifiés et provoqués par ces phrases, ces mots, cette poésie mis en voix.


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Anna Akhmatova : 
A droite de la photographie,nous voyons la fantastique Johanna Korthals Altes qui incarne LydiaTchoukovskaïa  . Lydia est une femme de Lettres : lorsqu' elle s' exprime, c'est du bonheur à l' état pur pour nos cerveaux de linguistes.La respiration et la tonalité s' unissent pour faire sens. 
 Le père de Lydia  possédait au début du siècle dernier une maison d' édition spécialisée dans la jeunesse. Lydia va rencontrer Anna  dans son appartement pour la première fois en 1938. Elle va se  constituer   porte-parole, corps et âme d' Anna en transcrivant fidèlement leur rencontre dans un petit carnet de notes. Lydia  ne s' interromp jamais. Sa diction est parfaite son positionnement impeccable. Lorsque les oreilles ne sont pas touchées par la grâce de sa voix, c'est le regard qui prend le relais. Une classe incroyable dans un écrin de sobriété absolument maîtrisée. 

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lydia Koutchovskaïa

Les ressemblances entre auteures et actrices sont plus que saisissantes. Jugez par vous même. 
L' amour des grands écrivains et de leur culture russe ont soudé le destin de ces deux amies. Elles nous livrent, à travers la plume de Lydia, leurs échanges et discussions autour de la Littérature. C'est ainsi qu' on apprend assez brutalement qu' Anna déteste Tchekhov car " il n' apprend rien à son lecteur"  Lydia a toujours été  impressionnée par Anna depuis toute petite. Aussi lorsqu' elle devient sa confidente suite à la déportation de son fils, c'est avec son cœur , ses tripes et son âme qu' elle décide d' apprendre par cœur tous les poèmes de Lydia avant de les brûler clandestinement. 

Pinçant nos lèvres bleuies,
Hécubes devenues folles,
Cassandres de Tchoukhloma
Portant des couronnes de honte,
Nous serons un chœur de silence :
" Au-delà de l'enfer, il y a nous. "

POÈME SANS HÉROS, deuxième partie (strophe 25). 


Les spectateurs retiennent leur souffle, ceux  du premier rang  éclairent la scène dénudée, grise et volontairement noire . Mais il y a l' essentiel. Deux femmes qui se parlent et des livres posés sur un simple bureau de bois brut. Deux femmes qui arrivent même à faire parler un album photo que le spectateur ne peut pas voir. 

     
Une  mise en scène à la fois minimaliste et extrêmement travaillée
J' espère vous avoir donné envie de ( re) lire vos classiques russes comme 
Boris Pasternak et son docteur Jivago.
Et à découvrir bien sûr : 
La Plongée par Tchoukovskaïa
Ajouter une légende
Poème sans Héros par Akhmatova   


La pièce passe désormais à la maison des Métallos de Toulouse : courez vous ne serez pas déçus ! 

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