

Billet nocturne qui se place de lui même sous le signe de la Russie,de la Littérature et de thé amer, le tout accompagné de volutes de fumée.
Le contexte historique est lourd : celui des grandes purges Stalinienne.
écrire pour survivre, pour se sentir vivante lorsque mari et enfant sont déportés pour leur liberté de pensée et d' écrire.
Je vais tâcher d' être porte parole de cette pièce extraordinaire de par sa dureté , son humanité et sa brillance. C' est une retranscription des rencontres quasi quotidiennes entre Lydia Tchoukovskaïa et Anna Akhmatova entre 1938 et les 25 années qui suivront.

brève présentation.
A gauche, Isabelle Lafon
Anna écrit, des poèmes, la forme littéraire la plus complexe à produire. En effet, elle consiste à dire le monde avec les mêmes mots que ceux que l' on emploie quotidiennement pour inviter un voisin à venir boire le thé : "le matériau du poète c' est la boue". Anna est interdite de publication à partir de 1922 et est radiée du cercle des auteurs de littérature russe.
Et la boue est en effet bien présente. La boue, le froid, la neige, la déportation, les rats, la famine, la peur des dénonciations. On a le souffle coupé, les larmes aux yeux, nos frissons sont justifiés et provoqués par ces phrases, ces mots, cette poésie mis en voix.
Anna Akhmatova : |
Le père de Lydia possédait au début du siècle dernier une maison d' édition spécialisée dans la jeunesse. Lydia va rencontrer Anna dans son appartement pour la première fois en 1938. Elle va se constituer porte-parole, corps et âme d' Anna en transcrivant fidèlement leur rencontre dans un petit carnet de notes. Lydia ne s' interromp jamais. Sa diction est parfaite son positionnement impeccable. Lorsque les oreilles ne sont pas touchées par la grâce de sa voix, c'est le regard qui prend le relais. Une classe incroyable dans un écrin de sobriété absolument maîtrisée.
lydia Koutchovskaïa |
Les ressemblances entre auteures et actrices sont plus que saisissantes. Jugez par vous même.
L' amour des grands écrivains et de leur culture russe ont soudé le destin de ces deux amies. Elles nous livrent, à travers la plume de Lydia, leurs échanges et discussions autour de la Littérature. C'est ainsi qu' on apprend assez brutalement qu' Anna déteste Tchekhov car " il n' apprend rien à son lecteur" Lydia a toujours été impressionnée par Anna depuis toute petite. Aussi lorsqu' elle devient sa confidente suite à la déportation de son fils, c'est avec son cœur , ses tripes et son âme qu' elle décide d' apprendre par cœur tous les poèmes de Lydia avant de les brûler clandestinement.
Pinçant nos lèvres bleuies,
Hécubes devenues folles,
Cassandres de Tchoukhloma
Portant des couronnes de honte,
Nous serons un chœur de silence :
" Au-delà de l'enfer, il y a nous. "
POÈME SANS HÉROS, deuxième partie (strophe 25).
Les spectateurs retiennent leur souffle, ceux du premier rang éclairent la scène dénudée, grise et volontairement noire . Mais il y a l' essentiel. Deux femmes qui se parlent et des livres posés sur un simple bureau de bois brut. Deux femmes qui arrivent même à faire parler un album photo que le spectateur ne peut pas voir.

Une mise en scène à la fois minimaliste et extrêmement travaillée.
J' espère vous avoir donné envie de ( re) lire vos classiques russes comme
Boris Pasternak et son docteur Jivago.
Et à découvrir bien sûr :
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La pièce passe désormais à la maison des Métallos de Toulouse : courez vous ne serez pas déçus !
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