jeudi 29 octobre 2015

peau, poil, plume : HEY #3



Bonsoir à tous, 
profitant des vacances, je ne pouvais pas passer à côté de la nouvelle exposition de la Halle Saint Pierre : hey #3

Mise en page 1
Carmelia,Christopher Conn Askew  2009.
Comment certains d' entre vous le savent, j' adore cet endroit. On rentre littéralement dans une bulle de verre. Un vrai passage onirique qui fracasse les limites de notre cerveau, tout juste sorti indemne de Montmartre et de sa butte. 
Il est difficile d' y accéder entre les millions de touristes excités et les parisiens qui viennent y flâner pour acheter de beaux tissus dans l' immeuble iconique situé juste à côté . Zola et son Bonheur se retournerait sûrement dans sa tombe s'il pouvait voir ce que ce lieu est devenu...
Et pourtant ça y est : nous y voilà, une légère odeur de café grillé vous chatouille les narines, une librairie minuscule, feutrée mais extrêmement bien garnie. Au plafond, si vous levez les yeux, vous apercevrez les feuilles d' automne chargées d' humidité virevolter lentement dans les airs pour se déposer sur la lucarne enveloppante, quasiment à la limite de la respiration. 

C'est donc là que commence ce voyage si particulier. Car lorsque l' on pousse les franges de plexiglas noir qui honorent l' ouverture de la première pièce, ce n' est pas comme pénétrer dans une pièce d' expo,  c'est plutôt  voyager pour s’ imprégner  d'une atmosphère, singulière, qui selon moi est unique. No flash, No facebook, aucun bruit extérieur ne vient parasiter cet univers magique, à l' image de celle de l'affiche proposée. 

Comme je suis toujours aussi novice en la matière, pas de présentation logique, chronologique ou artistique. Je veux juste vous présenter les œuvres qui m' ont émue, celles qui m' ont faite frisonner, certaines même à la limite du dégoût. 

Dégoût ? mais pourquoi ? 
Tout simplement parce que  les artistes que j' ai retenus pendant ma visite ont chacun exploité de manière militante et humble les limites charnelles du corps humain : les poils, les cheveux, la peaux, les ongles, les dents ou un peu tout cela à la fois. 


hirotoshi-ito-stone-sculptures-24 Hitotoshi Ito nous offre ici des sculptures incroyables . 
 mais comment a-t-il fait pour rendre aussi vivantes de petites pierres innocentes ? 
Si vous regardez bien les sculptures voisines, vous verrez qu' il y en a une qui porte un appareil ... dentaire







Claire Partington | Conquest Dans un tout autre registre, les céramiques ou cette sculpture de Claire Partington.
Cette miniature de dame de cœur  à l' aspect carbonisé n' est pas sans rappeler les corps ravagés par le Vésuve. C'est qu' elle en impose la petite dame par la finesse de ses traits et l' aspect encore plus lisse que lisse de son visage, quasi surnaturel malgré le souci de réalisme certain de l' artiste. Un clin d’œil ou plutôt un pied de nez  au combat  féministe féminin qui lutte contre les rides et le vieillissement de la peau, lutte futile mais omniprésente dans nos sociétés. 





Une  peinture grinçante qui elle aussi ébranle les diktats de la mode et de la sacro- sainte épilation. 
Il s' agit d' une oeuvre intitulée La Pequena peluda de Gabriel Grun. Observez bien les os saillants et les ongles si férocement malmenés qui contrastent avec cette maginifique toison rousse qui se joint en s' enjoint  en de multiples sources. Une représentation de la féminité  pas vraiment promue par  nos sociétés qui préfèrent plutôt  le sans poil sans odeur sans saveur. Le personnage Grenouille, tout droit sorti du Parfum, aurait forcément succombé à ses pulsions meurtrières pour extraire l' essence même de ce personnage.
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génésis, 2013
Pour rester dans la thématique du cheveu et de la toison,  j' ai beaucoup apprécié à l' étage de l' exposition les dessins obsessionnel s de Winnie Truong autour des poils et des cheveux
Tout en courbe, on ne veut plus savoir où commence et où s' arrête l' épiderme.
Unabridged Volume 2013
Unabridge volume, 2013


Les petits oursons de Déborah Simons nous rappellent également que les frontières entre visible et invisible sont pénétrables
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là encore, l' artiste met en scène la matière organique qui  nous fait vivre mais aussi ce qui nous rebute le plus : gros intestin, colon, boyaux, artères ; tout y passe mais englobé de légèreté associé aux objets transitionnels de l' enfance. Je trouve sa technique impresionnante.


Allez je vais bientôt m' arrêter : encore deux ! sinon plus d' intérêt à courir à la HSP. 

Afficher l'image d'origineles souvenirs étranges d' Albert Sallé m' ont fascinée. Entre boîte à musique et orgue de barbarie que je n' affectionne pas particulièrement, c'est tout un monde désué  qui se met en marche sous une mélodie cassante, des reflets d' aluminiums et de petites brèches d' allumettes. Mettez-vous en plein les mirettes : 


















Et pour finir ENFIN  ( me direz vous ) les sculptures absolument époustouflantes de Choi XOOANG.
Elles me révulsent, elles m' attirent, elles font ressortir en chacun de nous une animalité et une humilité universelles.
Afficher l'image d'origine Les corps se regardent, se mirent sans pour autant se refléter
A notre droite, un travail digne d' un orfèvre ; veinule, os qui craquent ( je vous assure que vous les entendrez en vous approchant) , narine dilatée sous le coup de l' expiration, petite déjection interne de l' œil, tétons différents,  veine tordue sous l' effort d' une cheville fléchie, petit kyste sur la cuisse  : tous ces petites détails qui font d' une femme une femme.
A gauche, à l' inverse,  nous avons la même femme mais en photoshop : tout est lisse, enfermé et enseveli sous une particule de silicone. 
Sommes- nous voués à devenir des êtres lisses ?
Je ne crois  pas. 
Croyez moi : ruez vous à la Halle Saint pierre .
Vous avez jusqu' au 13 mars 2016  pour en ressortit différent donc vivant ! 






mercredi 28 octobre 2015

emi cdi n °1

Cette année j' ai réussi à intégrer une heure sixième en demi- groupe dans les emplois du temps.
Je vais tâcher de vous présenter succinctement mes séances.
La première séance consiste en une présentation des cours emi qui n' ont jamais eu lieu dans mon établissement Je ai considérablement diminué le contenu théorique  par rapport à la séance de l' année dernière pour avoir le temps de me présenter et répondre à toutes les questions légitimes des élèves
Pourquoi leur frères / sœurs n' avaient pas eu ce cours ?
pourquoi est-ce noté ? 
Pourquoi une mini évaluation à chaque début de cours ? 

Je voulais que les élèves puissent répondre eux même à cette question légitime
 " à quoi vont mes servir mes cours au cdi".

Objectifs documentaire : 
- connaître la signification de emi ( simplifiée ) : éducation aux moyens de s' informer
-connaître la signification de cdi et les règles de vie qui régissent le lieu
-première grande distinction entre l' espace fiction et l' espace documentaire.

déroulé : 
- mise en place du déroulé de la rentrée en classe emi ( poser les cartables à l' entrée, déposer son carnet de liaison sur son bureau et attendre en rang devant mon bureau pour que je puisse faire l'appel pronotes). Rien que ça, cela m' a pris environ une quinzine de minutes.

- technique du soleil avec le mot emi.
 J' introduis par des questions brèves :
que pensez-vous apprendre cette année ?
pourquoi avoir cours dans ce lieu ?
Quand venir emprunter et sous quelles modalités ? 

-projection du premier prezi de l' année
grâce à l' image de la CNIL : description de l' image et du sous-entendu
" réfléchir avant de cliquer". Ils ont tous compris que nous allions utiliser Internet pour apprendre à rechercher l' information.

- repérer les mots-clés pour compléter le texte à trous.
-entourez collectivement les mots-clés du règlement intérieur


bilan : 

une séance un peu dense car mes élèves sont très difficiles à canaliser. Beaucoup ont déjà visité le collège ce qui constitue un point très positif. Par contre le cdi n' ayant jamais été investi auparavant comme un lieu de classe et de travail, les élèves ont du mal à appréhender cette nouvelle matière transversale.
 l' emi reste encore un peu flou dans leur esprit mais ils ont compris que ces séances allaient leur servir pour toutes les matières.

Ils ont dans l' ensemble beaucoup aimé passer au tableau pour remplir les textes à trous. Aucun ne connaissait l outil prezi qui a finalement ici le but de remplacer un tableau numérique interactif.


les supports distribués : ( fonctionnent en lien )

- fiche élève
-fiche corrigée 
-mini évaluation n ° 1 en ouverture de la séance 2
-prezi emi cdi 1 


jeudi 8 octobre 2015

Kinderzimmer : une procréation de génie .

Bonjour à tous,
En cette fin d après -midi morose et pluvieuse où il fait quasiment nuit depuis 14 heures, je viens de terminer un ouvrage exceptionnel.
il se trouve qu il a été édité chez un de mes éditeurs fétiches :Actes Sud . Vous le retrouverez aussi chez  Babel .

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Kinderzimmer, pour moi qui n est jamais appris l allemand,  m'évoque un terme rude et métallique , comme une fermeture éclair que l'on referme d'un geste sec sur un tissu râpeux. 
Mais après la lecture de cet effroyable roman ( loin d être fictionnel ), le mot prend un sens beaucoup moins sensible. Loin de nous l'image du petit garçon joufflu aux dents biens trop blanches, au col roulé bien trop bleu marine , qui boit son grand verre de lait accompagné de sa barre chocolatée préférée ! 

 Suzanne Langlois est invitée à témoigner dans une classe de seconde sur ses années de déportation à Ravensbrück. Au sein de la classe, une première main se tend volontaire et innocente. La question que cette ado au sourcil percé d un anneau rouge va lui poser,  la déroute: 
 " mais madame comment saviez-vous à cette époque que vous marchiez vers Ravensbrück ? "

C'est de cette question que va découler le récit interne que Suzanne Langlois, alias Mila, va offrir aux lecteurs sous la plume experte de Valentine Goby. 

Je sais bien que les manuels d histoire français focalisent énormément sur cette seconde guerre mondiale et que les génocides africains amérindiens indiens asiatiques et ceux de toutes autres ethnies dont ne nous soupçonnons même pas l' existance sont sous- représentés dans la littérature comme dans les programmes scolaires. 

Seulement voilà , moi qui ne suis ni historienne ni spécialiste en géo-politique, c'est la première fois que je lis un livre qui parle de  maternité au sein d un camp de concentration
Mila est bien enceinte de quelques mois lorsqu'elle est déportée pour avoir traduit  des tracts résistants en partitions de musique
Sentir un corps étranger peut donc vous faire oublier les cadavres, le froid la faim. 
Le lecteur ne peut s'arracher à cette lecture. Il prie de toutes ses forces (on se fout du dieu invoqué) pour que Mila survive et on pense même à l impensable :que son enfant vive . 
Le récit de Valentine Goby ne s arrête pas là. Elle pousse les limites au delà de l'imaginable pour nous faire vivre par pro-création -curation une nouvelle espèce de maternité : la solidarité . La vraie , celle qui tue et qui vous maintient en vie à la fois.  
Je n'en dirai pas plus. Amis lecteurs ( ou non ) ruez-vous a la médiathèque la plus proche . 
À remettre dans toutes les mains, les bibliothèques, les cdi . Le lynchage de truc much air france m'est apparu tellement minable . Quelle blague : un tee shirt  déchiré pour un lynchage médiatique qui va lui rapporter une troisième couille en or. 
Ce témoignage, celui de Mila,  est un lynchage et  Ravensbrück une immondice nazie. Pour que toutes ces femmes et  hommes qui se sont battus ne soient pas oubliés au profit de nos petites préoccupations modernes, plongez - vous dans Kinderzimmer. Cela ne m'a pas fait de mal de me faire rappeler que somme toute, nous ne sommes que peu de choses.
Valentine Goby est une déesse de la pro-création . 
Merci 

dimanche 4 octobre 2015

Quand Anna n' aimait pas Tchekhov

la maison des métallos, lieu propice aux rencontres, débats, projections et représentations de toutes sortes, a permis la tenue de cet incroyable spectacle, véritable tranche d' humanité. Les actrices ? que nenni ! Pas d' actrices mais des femmes et quelles femmes. 

Deux ampoules sur cinq ou des destins féminins, féministes et militants hors du commun. Une pièce à la fois mis en scène et interprétée ( en partie ) par Isabelle Lafon.
Billet nocturne qui se place de lui même sous le signe de la Russie,de la Littérature et de thé amer, le tout accompagné de volutes de fumée.
Le contexte historique est lourd : celui des grandes purges Stalinienne. 
écrire pour survivre, pour se sentir vivante lorsque mari et enfant sont déportés pour leur liberté de pensée et d' écrire.  





Je vais tâcher d' être porte parole de cette pièce extraordinaire de  par sa dureté , son humanité et sa brillance. C'  est une retranscription des rencontres quasi quotidiennes entre Lydia Tchoukovskaïa et Anna Akhmatova entre 1938 et les 25 années qui suivront.






DEUX AMPOULES SUR CINQ - D.R.



brève présentation. 
A gauche, Isabelle Lafon incarne est  Anna Akhmatova, cette auteure poétesse née en Ukraine à la fin du XIXème siècle.

Anna écrit, des poèmes, la forme littéraire la plus complexe à produire. En effet, elle consiste à dire le monde avec les mêmes mots que ceux que l' on emploie quotidiennement pour inviter un voisin à venir boire le thé : "le matériau du poète c' est la boue". Anna est interdite de publication à partir de 1922 et est radiée du cercle des auteurs de littérature russe. 
Et la boue est en effet bien présente. La boue, le froid, la neige, la déportation, les rats, la famine, la peur des dénonciations. On a le souffle coupé, les larmes aux yeux, nos frissons sont justifiés et provoqués par ces phrases, ces mots, cette poésie mis en voix.


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Anna Akhmatova : 
A droite de la photographie,nous voyons la fantastique Johanna Korthals Altes qui incarne LydiaTchoukovskaïa  . Lydia est une femme de Lettres : lorsqu' elle s' exprime, c'est du bonheur à l' état pur pour nos cerveaux de linguistes.La respiration et la tonalité s' unissent pour faire sens. 
 Le père de Lydia  possédait au début du siècle dernier une maison d' édition spécialisée dans la jeunesse. Lydia va rencontrer Anna  dans son appartement pour la première fois en 1938. Elle va se  constituer   porte-parole, corps et âme d' Anna en transcrivant fidèlement leur rencontre dans un petit carnet de notes. Lydia  ne s' interromp jamais. Sa diction est parfaite son positionnement impeccable. Lorsque les oreilles ne sont pas touchées par la grâce de sa voix, c'est le regard qui prend le relais. Une classe incroyable dans un écrin de sobriété absolument maîtrisée. 

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lydia Koutchovskaïa

Les ressemblances entre auteures et actrices sont plus que saisissantes. Jugez par vous même. 
L' amour des grands écrivains et de leur culture russe ont soudé le destin de ces deux amies. Elles nous livrent, à travers la plume de Lydia, leurs échanges et discussions autour de la Littérature. C'est ainsi qu' on apprend assez brutalement qu' Anna déteste Tchekhov car " il n' apprend rien à son lecteur"  Lydia a toujours été  impressionnée par Anna depuis toute petite. Aussi lorsqu' elle devient sa confidente suite à la déportation de son fils, c'est avec son cœur , ses tripes et son âme qu' elle décide d' apprendre par cœur tous les poèmes de Lydia avant de les brûler clandestinement. 

Pinçant nos lèvres bleuies,
Hécubes devenues folles,
Cassandres de Tchoukhloma
Portant des couronnes de honte,
Nous serons un chœur de silence :
" Au-delà de l'enfer, il y a nous. "

POÈME SANS HÉROS, deuxième partie (strophe 25). 


Les spectateurs retiennent leur souffle, ceux  du premier rang  éclairent la scène dénudée, grise et volontairement noire . Mais il y a l' essentiel. Deux femmes qui se parlent et des livres posés sur un simple bureau de bois brut. Deux femmes qui arrivent même à faire parler un album photo que le spectateur ne peut pas voir. 

     
Une  mise en scène à la fois minimaliste et extrêmement travaillée
J' espère vous avoir donné envie de ( re) lire vos classiques russes comme 
Boris Pasternak et son docteur Jivago.
Et à découvrir bien sûr : 
La Plongée par Tchoukovskaïa
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Poème sans Héros par Akhmatova   


La pièce passe désormais à la maison des Métallos de Toulouse : courez vous ne serez pas déçus !