mercredi 15 juin 2016

Hyena insoutenable

Bonsoir mes petits lapins,
Un article court et incisif à l' image de ce polar.
Hyena, Gilles Vincent, Jigal polar, 2015.
J'ai beaucoup aimé  cette couverture destroy à la limite du soutenable (j' ai retourné le livre sur ma table de nuit je l'avoue ).
Le roman débute sur l' arrestation d'un pourriture, un homme soupçonné de pédophilie. Mais peu à peu le cœur  de l' enquête se dévoile : la découverte d'un DVD. Le film  d'un  massacre d'une fillette disparue depuis 4 ans. Trois autres fillettes ont disparu à des époques différentes dans différentes régions. Trois autres fillettes que rien ne relie....
Celui qui a réussit à faire le lien c'est Sébastien Touraine. Mais suite à un immense trauma, il s'est retiré dans les montagnes où il vit reclu, reconverti en libraire.
C'est le commandant Aïcha Sadia est aux commandes, en mode quai des Orfèvres. C'est la première fois que je lis un polar ou l'héroïne est d'origine maghrébine . Une figure féminine forte, intègre et militante qui sait aussi reconnaître dans sa violence extrême ses faiblesses.
C'est le genre de personnage qui est très peu érigé au rang de CSP ++ !  Son langage est loin d' être châtié, elle fume comme un pompier et elle mène d'un bras de fer ses coéquipiers avec son physique sulfureux et pleinement assumé. Le rythme s’accélère. La découverte du DVD va permettre à Sébastien de réintégrer l'équipe du commandant Sadia. Peu à peu, nous remontons à la fois le fil de l'enquête dédiée aux disparitions mais aussi la cause des atroces souffrances de Sebastien Touraine qui l'ont amené à se retirer de la vie réelle. Celui-ci va devenir la proie d' un effroyable psychopathe qui va jouer avec ses nerfs et celui des lecteurs. 

Je n' en dis pas plus. Empruntez - le offrez-le et lisez-le. 
Le style est  hachuré. Le chapitrage est parfaitement orchestré. Nos doigts fébriles ont hâte de tourner les pages. Gilles Vincent n' épargne pas Marseille et ses quartiers laissés à l'abandon. On se questionne sur le quotidien des habitants de ces cités, sur les trafics pédophiles planant dangereusement mais aussi sur la drogue, la mafia, les armes et les meurtres étouffés..... malheureusement nous sommes bien loin de la fiction. 
La fin est profondément dérangeante et inattendue. 
Bravo une belle réussite. Un polar noir à souhait. 


jeudi 9 juin 2016

Je suis ton ombre.


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Ayant décidé de reprendre mes chroniques littéraires ( depuis aujourd'hui je vous rassure vous n'avez rien raté ), je vous présente un ouvrage comme je les aime. Totalement inconnu au bataillon, libre de toutes cautions gallimardesques, bien loin du masque de de la plume ( dans le c*** = ciel ).
Donc ce gros bouquin s'intitule : Je suis ton ombre, Morgane, Caussarieu, Les éditions Mnémos, 2014.


  • Dégotage : comme j'adore me fier à mon instinct, je prends très souvent des bouquins au hasard et surtout pas ceux qui reçoivent des prix quelconques. Ce copinage mutuel a tendance à m'exaspérer. Vous reprendrez bien un peu de Mathias Enard non ? ??

Bref, la veille d'un départ en train, je me rends dans ma bibliothèque préférée ( celle avec un solarium ) avec mon sac de courses sur les épaules et un mal de pied incroyable ( si vous aussi vous continuez d'acheter des chaussures qui vous plaisent mais qui ne sont pas adaptées à la morphologie épaisse de votre ossature pédestre ). Donc en gros j' ai 15 minutes et là avant de foncer au rayon polar, je regarde la table des nouveautés. 

C'est surtout la couv qui m'a plu mais aussi le petit encart sur Morgane Caussarieu :
" de la tristesse des campagnes landaises dont elle est originaire à la moiteur des bayous, l'auteur met en miroir l'horreur des enfances perverties....."


  • mini résumé
Dans les confins d'un village paumé loin de la grand' ville, Poil de Carotte est un ado qui vit seul avec son père handicapé. On sent depuis le départ qu'il a subi de gros traumas ; c'est lui qui gère seul la ferme laissée à l'abandon. Le lecteur va être immergé dans ce monde cruel celui de l'adolescence. Là où Morgane le fée à la perfection ( ok je sors ), c'est l' imbrication des univers tantôt ultra réaliste à la Zola, tantôt surréaliste.Ce roman est dans sa forme et dans son fond totalement schizophrène.  Par une mise en abyme très habile, notre anti-héros va s'enfoncer dans un monde humide, angoissant, aux frontières de l'horreur pour partir dans une quête identitaire. Poil de Carotte est prêt à tout pour trouver une place au sein de son groupe, se sentir regardé, voir désiré.
 On alterne ainsi entre la déréliction des Landes ( prononcez le n ) et la folie quasi bouffonne d' un monde ( pas si ) imaginaire où se côtoient grands seigneurs, vampires, prostitué(e)s et esclaves. 

  • mon avis
Très dérangeant mais très novateur. Pour une fois, un conte écrit par une femme qui utilise la narration interne d'un jeune garçon. La mère est une figure de déperdition totale qui est bien éloignée des figures maternelles rassurantes des ouvrages pour la jeunesse. 
Il faut avoir le cœur bien accroché. Viol, pédophilie, deuils prématurés, cadavres animaliers : tous les ingrédients de cet OLNI ( objet littéraire non identifié )  maintiennent le lecteur dans une attente quasi malsaine. La chute du roman a dépassé mes espérances bien qu' elle me paraisse un peu trop fantastique à mon goût. 
Peut-être  le fait d'avoir vécu dans le sud-ouest m'a permis d'accéder à des sensations particulières
( l'odeur des pins, le bruit du sable, la découverte de bunker dans les dunes ) propres à la localisation de l'action. 

  • feuilletage 
"J'entends la chose qui se relève.
Un souffle glacé dans mon cou. Une respiration lourde, pénible, à mon oreille. Ma vessie va lâcher.
Te pisse pas dessus...T'es plus un gosse maintenant, te pisse pas dessus.
La chose s'éloigne.
J'écoute ses pas.Tap, tap, tap. Des pas d'enfant.La même présence que j' avais sentie dans la ferme brûlée.
"Gabriel ?"
Pas de réponse.
Je peux pas me retourner, pétrifié.
J'arrive quand même à porter ma main droite à ma bouche. D'un coup je mords ma paume de toutes mes forces et la chair s'ouvre facile, libérant un peu de sang que j'avale.ça marche : le goût ferreux et la brûlure lancinante me ramènent vers le réél. "